lundi, novembre 21, 2005
D’habitude, je suis un cancre ! Et là…
Je suis excité, c’est bientôt le départ, ça ne va pas durer longtemps. Juste le temps nécessaire pour me faire de nouveaux amis. Demain, je prends le train et en route pour l’aventure ! Je ne tiens plus en place.
La nuit est longue, le sommeil plus qu’hésitant, les minutes s’égrènent au son du tic tac lancinant de l’horloge dans le séjour, juste en dessous de ma chambre. Le jour commence à poindre, une pâle lueur traverse les persiennes. Mon sac est prêt depuis au moins deux jours. Plus que quelques heures et je serai dans le train. J’ai déjà mon uniforme, je suis allé le chercher il y a une semaine.
Sur le quai, plein de visages inconnus. Beaucoup m’ont l’air de futurs amis possibles. Rose me dit au revoir, elle est émue, maman aussi. Je leur souris, confiant.
Je monte, trouve une place près de la vitre et leur fais signe. Le train part. Dans la voiture que j’occupe (je soupçonne que ce soit le même chose dans tout le train) il y a une bonne ambiance, des groupes sympathisent, on rigole tous ensemble. Le voyage paraît se passer rapidement malgré l’impatience que nous partageons tous.
Rapidement, on nous dirige vers le front. Les vacances sont terminées, il faut creuser pour se cacher, il faut se cacher pour vivre. Il y a 5 jours, Maurice, avec qui j’avais lié connaissance dans le train, s’est fait arracher la jambe gauche, juste au-dessus du genou. Ce matin, Maurice est mort. Ce n’est pas le premier d’entre nous à mourir. Dans les tranchées, ça sent la merde et la mort et beaucoup d’autres choses encore. Quel con ! Pourquoi cette saloperie ? Au fond je n’en sais rien ! Et eux, en face, ils le savent ? Tous les jours je voudrais qu’ils crèvent, mais pourquoi ? Je ne les connais pas. Je ne peux pas leur en vouloir, on tue aussi leurs amis, mais qu’ils crèvent que je puisse rentrer prendre Rose dans mes bras.
Les mois passent, les vies aussi. J’ai eu de la chance jusqu’à maintenant. Le froid s’installe. L’eau et l’urine dans lesquelles nous pataugeons tous les jours commencent geler. La neige commence à tomber. Il fait nuit tôt, trop tôt. Noël approche, et pour la première fois, je ne serai pas à la maison.